Sectes et enfants La commission parlementaire au secours des mineurs Le 19 décembre 2006 est déposé un RAPPORT PARLEMENTAIRE de 520 pages, intitulé "L'enfance volée. Les mineurs victimes des sectes".
Cet ouvrage est disponible à la "Boutique de l'Assemblée Nationale", 4, rue Aristide Briand, 75007 Paris. Tél : 01 40 63 61 21 En 1995, le rapport parlementaire était consacré au phénomène sectaire et en 1999, à l'argent des sectes. Le texte de 2006 comporte 50 propositions ayant trait aux conditions de scolarisation et au contrôle médical des enfants faisant partie d'une secte. Mise en place le 28 juin 2006, la commission de 30 membres, présidée Georges Fenech (UMP) et dont le rapporteur est le socialiste Philippe Vuilque, a entendu des représentants de l'enseignement, des juristes, des spécialistes du phénomène sectaire, des défenseurs des victimes, le directeur du bureau central de Cultes du ministère de l'Intérieur, un pédopsychiatre et d'anciens adeptes sur les conditions de vie des enfants dans les sectes.
" Les sectes en elles-mêmes ne nous intéressent pas ", a déclaré le président de la commission, Georges Fenech (UMP, Rhône).
" Notre souci, ce sont les dérives sectaires et la protection des populations vulnérables ", particulièrement les mineurs.
Ils se sont donc préoccupés de ces mineurs " auxquels on vole leur enfance " du fait de l'endoctrinement, des conditions de
vie précaires, du manque de suivi médical, de la scolarisation hasardeuse. Ils mettent particulièrement en cause l'" enfermement "
imposé par certaines communautés, où les enfants des adeptes vivent dans la crainte du monde extérieur et deviennent incapables de
s'y adapter s'ils décident de quitter la secte. Pour la commission, l'administration est coupable de " négligence, voire de
complaisance " à l'égard des dérives sectaires. Ils estiment en particulier, instruits par leur récente visite dans une
communauté biblique (Tabitha's place), que le contrôle de la scolarisation de ces enfants est insuffisant, car il n'analyse
pas les " conditions d'épanouissement de la personnalité ni la préparation à la citoyenneté ". Ils s'alarment aussi du
manque de contrôle des organismes privés de soutien scolaire, dans lesquels peuvent se glisser des prosélytes. Ils veulent
aussi que soit sanctionné le refus de vaccination et que le refus de transfusion sanguine ne soit plus possible (ce qui
vise directement les Témoins de Jéhovah). Ils s'étonnent enfin du flou qui entoure la profession de psychothérapeute,
faute d'un décret d'application, laissant le champ libre aux gourous. Mais leur cible principale, à la fois dans le
rapport et au cours de la conférence de presse, a été le bureau central des Cultes du ministère de l'Intérieur, service
qui attribue le statut d'association culturelle. Ce viatique donne droit à des exonérations fiscales, mais c'est aussi
un certificat de vertu utilisé à des fins de prosélytisme, estime la commission.
Le rapport de la commission a évidemment soulevé des protestations, particulièrement de la part des Témoins de Jéhovah qui parlent de partialité. D'autres associations ont contesté ces travaux au nom de la liberté de conscience et de culte. Un haut fonctionnaire estimait hier - sous couvert d'anonymat - que les membres de la commission " ne tolèrent pas les gens différents ". Face à la situation d'enfermement social que subissent plusieurs dizaines de milliers d'enfants victimes de sectes en France,
les pouvoirs publics font preuve de "négligence" voire de "complaisance" dans les domaines éducatif et sanitaire, épingle le rapport
de la commission d'enquête de l'Assemblée sur les secteurs rendu public mardi. Pour y remédier, il avance 50 propositions concrètes.
Pas moins de 60.000 à 80.000 enfants seraient la proie de sectes, d'après les députés, pour qui les mineurs constituent "une cible privilégiée". Selon les estimations, on compterait notamment 45.000 enfants chez les Témoins de Jéhovah. Le recrutement se fait souvent par les parents, mais aussi par "l'instrumentalisation du soutien scolaire et du soutien à domicile", selon Philippe Vuilque, député PS et rapporteur. "Ces enfants subissent un véritable enfermement social. Le temps de l'enfance n'existe pas", s'est inquiété le député lors d'une conférence de presse. "La souffrance de l'enfant, ainsi fermé au monde extérieur, entraîne souvent de graves conséquences psychologiques et physiques. Le mineur manque totalement d'esprit critique et de rationalité", a-t-il souligné, faisant état de "conditions de vie parfois déplorables" et de "conditions de soins souvent précaires, voire inexistantes". "Tous ne sont pas soumis aux mêmes dangers, mais certains d'entre eux sont vraiment exposés", "il y a quand même eu des décès dans certaines sectes", a alerté le député UMP Georges Fenech, président de la commission, sur France-2. Dans le collimateur des députés, les Témoins de Jéhovah et la secte Tabitha's Place de Sus (Pyrénées-Atlantiques), dans laquelle la commission s'est rendue le 21 novembre. Face à ce constat "alarmant", le rapport pointe les "négligences", voire les "complaisances" de l'administration, notamment sur l'éducation et la santé. "L'engagement des pouvoirs publics contre leur influence, leur embrigadement s'avère très inégal", s'est alarmé Philippe Vuilque. Il a épinglé pêle-mêle "une sensibilisation insuffisante des administrations", "des défaillances dans le traitement des signalements", "un manque de réactivité dans le champ de la santé" ou "un dispositif de contrôle éducatif trop lâche". Les députés ont particulièrement critiqué le bureau central des cultes du ministère de l'Intérieur, chargé d'octroyer le statut d'association cultuelle qui ouvre droit à exonérations fiscales. Le responsable de ce service, Didier Leschi, est intervenu devant la commission le 17 octobre et a évoqué le refus par les Témoins de Jéhovah des transfusions sanguines. "Il nous a soutenu une proposition contraire à la loi, à la jurisprudence et aux conventions internationales", a accusé M. Fenech, pour qui le Conseil d'Etat a refusé en 1985 le statut d'association cultuelle à ce mouvement. Les députés ont aussi sommé Bercy de s'expliquer sur les 45 millions d'euros de redressement fiscal auxquels les Témoins de Jéhovah ont été condamnés. "Cette somme n'a toujours pas été mise en recouvrement", s'est agacé le président UMP de la commission. Pour remédier à ces "défaillances", ce rapport de 520 pages intitulé "L'enfance volée" avance 50 propositions. En matière d'éducation, il veut préciser le régime de l'instruction à domicile, qui concerne 3.000 enfants et peut être noyauté par des prosélytes. La raison qui pousse une famille à faire ce choix devrait être "réelle et sérieuse", du type maladie ou handicap de l'enfant. Les contenus devraient être fournis par des organismes déclarés et reconnus. De même, l'instruction à domicile serait limitée à deux familles maximum. En matière de santé, le rapport souhaite que les médecins puissent passer outre le refus de transfusion sanguine par les parents. Il prône une visite médicale annuelle pour les enfants de plus de six ans scolarisés dans la famille ou des établissements hors contrat. Les députés demandent aussi au gouvernement de publier le décret issu de l'amendement Accoyer encadrant la psychothérapie. Le ministre de la Santé Xavier Bertrand a promis mardi de le faire avant les élections. Les députés veulent aussi autoriser les grands-parents à saisir directement le juge des enfants en cas de danger. Ils suggèrent d'ouvrir un délai de prescription de dix ans -et plus trois- pour les mineurs victimes de l'infraction d'abus de faiblesse, à compter de leur majorité. Enfin, ils proposent de sanctionner de 3.750 euros d'amende et six mois de prison le défaut de déclaration de naissance à l'état civil. |